Par Sophie Hallée, Directrice de recherche et Véronik Boudreau-Couture, Chargée de projet
Octobre 2014, le détaillant Jacob annonce qu’il va fermer ses portes. Janvier 2015, Target affirme qu’elle cessera ses activités au Canada. Février 2015, RadioShack fait faillite. Mars 2015, Best Buy procède à une importante restructuration et ferme toutes ses succursales Future Shop au Canada. Sears Canada cherche à réduire davantage ses coûts d’exploitation, alors que le grand détaillant tente difficilement de redresser ses finances. Que se passe-t-il dans le monde du commerce de détail pour expliquer les vagues importantes qui ont obligé de grands joueurs à devoir se retirer de la sorte ?
Compétition grandissante
Il y a à peine 2 décennies, les compétiteurs d’un commerce de détail se limitaient aux autres magasins qui se trouvaient dans la même ville ou le même quartier. De nos jours, l’éventail des choix offerts aux consommateurs est infini. Une personne souhaitant acheter un livre pourra aller le chercher à une petite librairie indépendante à côté de chez elle, au Renaud-Bray du centre d’achat situé à quelques minutes en voiture, sur le site Web de Archambault, sur Amazon, sur eBay (en vente d’un particulier à l’autre bout du globe), etc. Une étude récente du CEFRIO nous apprend que près d’un adulte québécois sur deux (49 %) a fait des achats en ligne en 2014. Toutefois, seulement le quart de ces achats en ligne ont été réalisés auprès de détaillants québécois.
Les commerçants ne doivent plus se démarquer uniquement des quelques compétiteurs qui ont une proximité géographique de leur magasin, mais plus que jamais le faire face à l’ensemble des joueurs offrant les mêmes produits qu’eux à travers le monde. C’est la loi de la jungle où uniquement les plus forts et ceux qui auront su s’adapter pourront s’en sortir.
Ceux qui, pour l’instant, semblent le mieux s’en tirer sont les commerces offrant les plus bas prix, les fins spécialistes d’une catégorie de produits ou bien ceux offrant une expérience sensorielle de magasinage qui se distingue. Les commerces de détail qui ne répondent pas à ces critères sont davantage à risque face à la croissance soutenue du cybercommerce.
Hausse des ventes en ligne, une présence s’impose
Les consommateurs peuvent désormais acheter des produits en ligne et les recevoir dans les jours qui suivent sans avoir à mettre les pieds en dehors de la maison. Les commerces de détail se doivent donc de présenter leur gamme de produits sur un site Web transactionnel afin de répondre à la demande des clients qui veulent s’informer sur les produits offerts en magasin avant de se déplacer sur place ou encore d’en faire l’achat immédiat. À cet égard, la présence limitée de Target sur Internet est une des critiques qui lui a été adressée.
Certains secteurs plus à risque
La catégorisation des produits vendus par un commerce influence l’impact de la compétition sur ses activités. À titre d’exemple, un produit peut représenter un achat familier ou inhabituel, demandant une implication forte ou faible, pour un usage immédiat ou reporté. Ainsi, les consommateurs auront évidemment plus tendance à fréquenter des commerces accessibles physiquement qu’à magasiner en ligne lorsque viendra le temps d’acheter des produits inhabituels, demandant une forte implication ou pour un usage immédiat, car ceux-ci demandent une présence en magasin afin d’obtenir les conseils ou l’instantanéité désirés. On peut ainsi être porté à croire que les commerces de détail seront toujours présents afin de répondre au besoin de combler un usage immédiat (dépanneurs, épiceries, pharmacies, etc.), de pouvoir essayer les produits d’achats inhabituels (vêtements à la mode, produits spécialisés, etc.) ou d’obtenir des informations ainsi que d’expérimenter le produit (concessionnaire de voitures). Les catégories de produits qui font notamment face à une grande compétition sur le Web sont, entre autres, les articles de sport, l’électronique, les livres, la musique et les voyages.
La multiplication des canaux
En 2015, le consommateur veut pouvoir choisir le support via lequel il achètera un produit. Si ce support n’est pas disponible pour un commerce, il cherchera tout simplement un autre vendeur. Les différents canaux sont nombreux : le magasin, le catalogue, l’ordinateur, le téléphone intelligent, la tablette, les bornes interactives, la télévision connectée… Le commerçant doit offrir les bons produits, au bon prix, dans les bons canaux et au bon moment, ce qui demande une connaissance approfondie de sa clientèle ainsi qu’une personnalisation dans ses communications. Le commerçant bâtit une relation personnalisée avec le client en lui parlant dans ses canaux préférés, en lui offrant des produits complémentaires à ses achats et en personnalisant les offres qui lui sont faites.
Par où commencer
Dans ce contexte, par où commencer pour arriver à tirer son épingle du jeu ? Avant toute chose, il est primordial de bien comprendre le processus d’achat pour sa catégorie de produit. Où s’informent les clients avant de faire leur achat et où concrétisent-ils leurs achats ? Sur les canaux numériques, sur les canaux traditionnels ou un mixte des deux ? Les réponses à ces questions seront le point de départ pour l’élaboration de toute stratégie marketing pour ce type de problématique. Le modèle présenté ci-dessous permet de catégoriser facilement sa clientèle selon quatre types de comportements. Les stratégies à mettre de l’avant pour une entreprise dont la majorité des clients s’informent et achètent dans un commerce traditionnel seront diamétralement opposées à celles d’une entreprise dont les clients s’informent et achètent 100 % via les canaux numériques.
Qui plus est, il sera essentiel de suivre l’évolution des comportements dans le temps afin d’anticiper les changements et ajuster les stratégies. Ce n’est pas parce que vos clients s’informent et achètent aujourd’hui en majorité dans un commerce traditionnel qu’il en sera ainsi pour le futur. Le commerce de détail est en transformation, seulement les plus agiles sauront s’adapter et trouver l’équilibre entre les ventes physiques et virtuelles. La recherche marketing demeure un outil important pour supporter les stratèges, leur apportant une meilleure connaissance de leur marché et de leur clientèle, clientèle qui est à l’origine même de cette transformation.